Après avoir bouclé les « négociations » avec les syndicats et le patronat, l’exécutif tente de brandir des contreparties pour faire accepter le recul de l’âge légal de départ.
Des avancées qui n’en sont pas !

La pilule sera-t-elle moins dure à avaler si on l’enrobe de sucre glace ? Dès l’annonce d’un éventuel recul de l’âge de départ à 64 ans après
avoir prôné 65 ans (contre 62 aujourd’hui), Emmanuel Macron a promis des contreparties en matière de pénibilité et d’emploi des
seniors.
Cette vieille méthode de la carotte et du bâton est régulièrement appliquée par les gouvernements à l’approche d’une réforme très douloureuse : une avancée sociale digne de ce nom ne saurait être actée sans une régression au moins équivalente.
Macron et son gouvernement ont tiré les leçons de l’échec de l’usine à gaz du projet à points.
Le travail militant d’explication a permis de retourner l’opinion publique et faire capoter le projet.
Aujourd’hui, il a décidé de faire simple, mais l’objectif reste le même : diminuer la part des richesses produites consacrée au financement
des retraites.
Le gouvernement Borne a décidé d’attaquer la réforme 2023 par le biais de l’allongement du temps de travail en décalant l’âge de départ à la retraite à 64 ans.

Cette mesure est intégrée à un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale
au premier trimestre 2023. L’autre mesure envisagée est d’accélérer la réforme Touraine (souvenez-vous, elle
était ministre de Hollande cet ex-président prétendument socialiste).
Cette loi de 2014, allonge, génération par génération (à partir de celle née en 1958), le nombre de trimestres requis pour obtenir
une retraite à taux plein pour atteindre 172 trimestres en 2035, soit 43 années de cotisation pour les Français ayant vu le jour en 1973.
Si cette nouvelle réforme des retraites vise à reculer l’âge légal de départ en retraite à 64 ans, enfin, pour la première fois depuis au
moins une décennie, l’ensemble des syndicats lui oppose un front commun.

Voici le communiqué intersyndical du 5 décembre 2022 :
« Les consultations en cours concernant notre système de retraite ont été une nouvelle occasion pour les organisations syndicales de faire des propositions dont aucune ne nécessite une réforme paramétrique. Le système par répartition n’est pas en danger, y compris pour les jeunes générations. Le gouvernement instrumentalise la situation financière du système de retraites et affirme, à tort, que le recul de l’âge légal de la retraite est un impératif.
De premiers arbitrages devaient ainsi être rendus en ce sens dès la mi-décembre. Au moment où le contexte social, environnemental et économique est particulièrement difficile pour une partie croissante de la population, le gouvernement, en s’entêtant, porterait l’entière responsabilité
d’un conflit social majeur.
Les organisations syndicales réaffirment qu’elles sont, comme la très grande majorité de la population, fermement opposées à tout recul de l’âge légal de départ en retraite comme à toute augmentation de la durée de cotisation. La jeunesse, déjà fortement touchée par la précarité,
serait fortement impactée par ce projet. Pour l’intersyndicale, des alternatives, y compris financières, existent pour améliorer les fins de carrière et les montants des pensions tout en faisant reculer les inégalités touchant particulièrement les femmes.
Les organisations syndicales et de jeunesse ont d’ores et déjà décidé de se revoir le jour-même des annonces gouvernementales. Elles réaffirment leur détermination à construire ensemble les mobilisations passant en particulier par une première date de mobilisation unitaire avec grèves
et manifestations en janvier si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet.
Les 13 organisations syndicales signataires : CFDT, CGT, Force Ouvrière, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU, Unef, FAGE, FIDL, Mouvement National Lycéen, Voix lycéenne ».

Finalement le président Macron a repoussé l’annonce de ses objectifs au 10 janvier 2023 en expédiant sa première ministre au charbon pour tenter d’expliquer une réforme impopulaire et rejetée par une grande majorité de nos concitoyens.
Il espérait sans doute que les fêtes de fin d’année et la finale de foot auraient atténué le mécontentement suscité par son projet. De
nombreux sondages attestent de ce refus. Plus de 64% des français contestent ce recul social car les propositions envisagées engendreront inévitablement la baisse du niveau des pensions.
Le gouvernement tente de nous faire croire que sa réforme est seulement motivée par la volonté de garantir le financement de notre système
par répartition, il s’agit d’un vaste enfumage, le rapport du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) est édifiant à ce sujet. Les deux
prochaines années sont excédentaires c’est seulement sur les années suivantes que le déficit risque de se creuser mais l’étude précise
qu’en raison de notre démographie et du taux d’emploi général et plus particulièrement celui des séniors, ces chiffres
peuvent évoluer favorablement…
De l’argent pour financer nos retraites, il y en a ! Mettons à contribution les 500 plus grandes fortunes françaises qui possèdent fin 2022, 650 Milliards d’Euros soit 30% du PIB.
En 2018 ces mêmes grandes fortunes françaises possédaient 10% du PIB, plus de 20% d’augmentation en deux ans et en période
de crise, c’est intolérable !!!
La balle est maintenant dans le camp de la Macronie, le risque d’un conflit majeur est en vue si elle persiste dans son entêtement alors que cette réforme marquée du sceau du libéralisme du président n’est vraiment pas nécessaire.
Faisons le plus beau des cadeaux à nos enfants et petits-enfants : défendons leur retraite !

la retraite Comment en est-on arrivé là ?

L’ancêtre de tous les régimes de retraite français est sans doute « La Caisse des Invalides de la Marine Royale ». La nécessité de recruter et de fidéliser des marins compétents a amené le ministre des finances de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, a créer une pension de retraite pour les marins dès 1673.
Notons bien le principe : un système payé par l’état en reconnaissance des services rendus. L’espérance de vie en 1667 est d’environ 25 ans seule 4% de la population est encore en vie à 50 ans. L’espérance de vie en 1789 est d’environ 30 ans. Dès 1684 est créé le système des pensions d’invalidité
et de vieillesse étendu tout au long des XVIII et XIXème siècle aux militaires et aux fonctionnaires de l’état puis aux cheminots.
Les fonctionnaires pouvaient partir en retraite à l’âge de 60 ans, après 30 ans de service.
Les agents chargés des travaux pénibles pouvaient partir dès 55 ans, s’ils justifiaient de 25 ans de service.
L’espérance de vie en 1900 est d’environ 50 ans.

Sous l’impulsion du programme du Conseil National de la Résistance. Les ordonnances d’octobre 1945 créent la Sécurité sociale, dont l’assurance vieillesse constitue l’une des branches. Les autres sont la maladie, la famille, les accidents du travail.

Les cotisations versées par les actifs devaient désormais servir à payer immédiatement les pensions de retraite, tout en créant des droits pour leur future retraite. Le régime par répartition est né et l’âge légal de départ en retraite a été reporté à 65 ans.

L’espérance de vie en 1945 est d’environ 60 ans.

En 1982 sous la pression des syndicats de salariés l’âge de départ est ramené à 60 ans.

Cette mesure symbolique du septennat de François Mitterrand repose sur l’idée d’instaurer un « droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l’issue d’une durée de carrière normale ».

L’espérance de vie en 1990 est d’environ 70 ans.

L’âge de la retraite dépasse l’espérance de vie ! le patronat, depuis toujours opposé au système par répartition, monte aux créneaux, relayé par la classe politique et en 1991 le livre blanc sur les retraites (porté par un certain Michel Rocard) détaille le mode
d’emploi de la destruction de notre système de retraites. C’est ce qui est mis en œuvre dans toutes les réformes que l’on nous assène depuis cette date.

Les justifications économiques ne tiennent pas l’analyse, c’est un combat de société.

Les milieux financiers comme ils l’ont fait aux étatsunis veulent effacer 1946 en niant l’idée même de collectivité et de solidarité, dans ce dernier pays à résister encore par ses institutions au raz de marée planétaire du capitalisme.

Quoi qu’il arrive seule une lutte sans concession permettra de conforter cette conquête essentielle.

Après la réforme du 1er novembre 2019, qui modifiait sensiblement les conditions d’accès à l’indemnisation du chômage en rallongeant les temps travaillés pour en bénéficier, qui s’attaquait aux cadres qui percevaient un salaire supérieur à 4 500 € afin de réduire leur allocation chômage de 30 % à partir du 7ème mois d’indemnisation ; voilà de nouveau que le gouvernement s’attaque à la durée d’indemnisation prétextant qu’en période de plein emploi (alors que le taux de chômage est actuellement de 7,3 % d’après les chiffres de l’INSEE) les salariés doivent rapidement retrouver un emploi s’ils le veulent bien et que s’ils ne le font pas c’est de la mauvaise volonté…

Le journal « Ouest France » dans un article du 21 novembre 2022 décrit la situation vécue par les syndicats : « Denis Gravouil qui suit ce dossier voit
dans la contracyclicité un principe absurde, mis en place pour répondre à la demande du patronat : c’est un système que le Medef avait proposé à plusieurs 9 reprises dans les négociations et qui avait essuyé le refus de tous. Il dénonce une « absurdité totale », qui vise à faire une majorité d’économies sur les chômeurs les plus fragiles.

Les syndicats pointent en effet que les premiers pénalisés seront ceux qui ont déjà des droits courts, très souvent des jeunes, mais aussi les seniors
qui peinent à retrouver un emploi et qui vont plus souvent que d’autres au bout de leurs droits aux allocations. « Nous sommes en train de discuter sur l’emploi des seniors dans le cadre de la réforme des retraites. Tout le monde fait le constat que quand ils sont au chômage, personne ne les embauche. Là, leur durée d’indemnisation maximum passe de 36 mois à 27 mois. Vous avez travaillé toute votre vie, vous avez le malheur d’être licencié, vous n’êtes pas encore à la retraite car on repousse encore l’âge de départ et vous tombez aux minima sociaux. C’est un scandale ».

Contrairement à ce qu’assure le gouvernement, la réforme est faite pour réaliser des économies (4 milliards d’euros selon les estimations de l’Unedic
qui gère le régime). « On voit bien que l’objectif, ce n’est pas que les demandeurs d’emploi retrouvent un emploi rapidement, ni de répondre à la pénurie de main-d’œuvre. On sait que cette dernière est plutôt due aux conditions de travail et de salaires, aux problèmes de logement et d’inadéquation de la formation avec les emplois recherchés. » Il rappelle que la majeure partie des demandeurs d’emploi ne vont pas jusqu’au bout de leurs droits, mais qu’ils retrouvent du travail avant.

« Pourquoi certains utilisent-ils l’ensemble de leurs droits ? C’est bien parce qu’il y a d’autres difficultés. Raccourcir les droits à l’assurance chômage n’est pas le bon médicament. »

Le « plein d’emplois précaires »
Pour Denis Gravouil, « ce qu’on nous promet, ce n’est pas le plein-emploi, c’est le plein d’emplois précaires. Et pour les autres, ce sera les minima sociaux ! » A ses yeux, le retour aux règles que nous connaissons aujourd’hui paraît improbable. « Il faut un krach boursier pour revenir à un taux de chômage de 9 % ! En fait, on crée un truc très compliqué pour ne pas expliquer qu’on va baisser les droits des chômeurs ! » 

Cet article, reproduit intégralement, en dit long sur le mécontentement produit par cette réforme inique.

D’ailleurs, ce système expérimenté au Canada et qui a servi de modèle au gouvernement a montré ses limites et est fortement contesté, voilà ce qu’en disent nos cousins canadiens :

Au Canada, si le taux de chômage dans la région est supérieur à 13 %, l’indemnité est calculée sur les 14 meilleures semaines. En revanche, si le taux
de chômage est inférieur à 6 %, les 22 meilleures semaines seront prises en compte. « On ne vous souhaite pas, en France, de prendre ce modèle
canadien qui est un modèle régressif », affirme Paul Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses. « Le gouvernement français a déjà indiqué qu’il souhaitait s’inspirer du modèle canadien pour sa réforme de l’assurance-chômage avec un objectif : atteindre le plein-emploi d’ici 2027. Reste donc à savoir jusqu’à quel point le modèle canadien servira d’inspiration pour cette réforme », conclut Camille Guttin, correspondante France Télévision en Amérique du Nord.

Revenons en France : pour les syndicats, le dispositif pose notamment des problèmes opérationnels. A commencer par le mécanisme qui prévoit que le chômeur puisse sur le papier toucher les 25 % d’allocations restants si, à la fin de ses droits initiaux,
la conjoncture économique s’est retournée. En effet, le taux de chômage trimestriel publié par l’Insee n’est connu qu’après un délai de plus d’un mois.
« Si vous aviez droit à 18 mois, que la conjoncture se retourne alors que vous êtes en fin de droits, le chiffre ne tombera que deux mois plus tard. Vous perdrez 6 mois d’allocations », détaille Michel Beaugas.
Dernière information, réforme de l’assurance chômage : vers un nouveau durcissement des règles. Le ministère du travail a transmis le vendredi 23
décembre dernier aux partenaires sociaux le projet de décret sur la réduction de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Il introduit un scénario prévoyant de diminuer de 40 % (et non plus de 25 %) le nombre de jours pendant lequel une personne est couverte.
Même si Elisabeth Borne début janvier semble renoncer provisoirement à cette mesure il n’en demeure pas moins que cette réforme est inacceptable socialement.
Décidément cette réforme est inacceptable en l’état, il dépendra de la mobilisation des salariés pour empêcher qu’elle soit appliquée…

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